Préserver la santé mentale au travail : un défi collectif
Cette année, la santé mentale a été déclarée « Grande Cause nationale », avec une attention particulière portée au milieu professionnel. Et en 2025, la situation reste préoccupante : 87% des salarié(e)s (étude Ifop, mars 2025) considèrent le travail comme premier facteur influençant leur état psychologique.
Derrière le terme de “santé mentale” se cachent beaucoup de choses, et il y a souvent confusion avec les notions de QVCT ou de prévention des RPS. Pourtant, la santé mentale en entreprise ne peut se réduire ni à l’un ni à l’autre.
Préserver la santé mentale de ses équipes, ce n’est pas organiser des petits-déjeuners de cohésion en pensant que cela suffira pour que les salariés se sentent bien au travail et donnent le meilleur d’eux-mêmes.
Préserver la santé mentale de ses équipes, c'est placer l'humain au cœur du projet de l'entreprise. C'est avoir compris que performance sociale et performance économique ne sont pas antinomiques. Mais qu’au contraire, la première nourrit la seconde.
Je vous propose de revenir sur ce qu’est la santé mentale en entreprise, ses enjeux individuels et collectifs, la responsabilité de l’employeur et les mesures de prévention à la portée des managers.
La santé mentale, c’est quoi ?
Selon l'OMS, la santé mentale est définie comme « un état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive, et d'être en mesure d'apporter une contribution à la communauté ».
Dans le monde du travail, notre santé mentale est notre capacité à gérer notre vie professionnelle, à nous épanouir dans notre poste de travail et à faire face aux tensions
En entreprise, on a souvent tendance à confondre santé mentale avec la prévention des RPS ou avec la QVCT.
Santé mentale et QVCT
Les entreprises mettent en place des politiques d’amélioration de la Qualité de Vie et des Conditions de Travail (QVCT). Cette démarche collective vise à favoriser un environnement de travail sain. Les actions portent sur les conditions matérielles, physiques et psychiques. Une démarche QVCT intègre des dispositifs concernant la santé mentale des salariés, mais ne se réduit pas à cet aspect.
Santé mentale et RPS
La prévention des RPS est un axe fondamental d’une politique d’entreprise sur la santé mentale. Mais les RPS désignent spécifiquement les risques engendrés par les conditions de travail, et les facteurs organisationnels et relationnels en entreprise.
La santé mentale, un enjeu individuel ou collectif ?
Les politiques d’entreprise autour de la santé mentale, de la QVCT et des RPS ne peuvent pas être abordées sous le prisme individuel.
Prenons l’exemple des risques psychosociaux. L'organisation et les conditions de travail constituent le terreau principal des facteurs de risque : intensité du travail, insécurité de l’emploi, difficultés managériales, conflits interpersonnels, mauvaise organisation / répartition, absence de communication, etc. Les causes restent donc majoritairement structurelles, et elles impliquent des actions de prévention au niveau de la direction.
Néanmoins, si les problèmes organisationnels sont prédominants, les facteurs individuels peuvent accentuer la vulnérabilité face aux RPS. L'histoire personnelle et les ressources psychologiques de chacun influencent la perception et la gestion des situations dites à risque.
A l’inverse, si l’entreprise entretient un lien humain et de bonnes relations sociales, les études ont démontré que les facteurs de risques diminuent.
Ce serait donc un tort de réduire la prévention des RPS, et de la santé mentale, à des fragilités individuelles. Une démarche collective reste la clé pour créer un environnement de travail sain et protecteur pour tous.
→ L’entreprise doit mettre en place des plans d’actions sur les facteurs organisationnels, tout en tenant compte des spécificités individuelles dans l'accompagnement proposé.
Les acteurs de la prévention de la santé mentale
Plusieurs acteurs peuvent intervenir sur les questions de santé mentale en entreprise. Des personnes internes, des représentants, des référents. En cas de souffrance au travail, il est possible de se tourner vers des acteurs internes ou externes à l'entreprise, qui ont chacun des rôles et des niveaux d’intervention différents.
Les acteurs internes
Il y a d’abord l’employeur et ses représentants, les équipes RH, les managers de proximité. Il peut également y avoir des référents au sein de l’entreprise, des collègues identifiés et formés pour écouter et relayer si besoin.
Les représentants du personnel sont également des interlocuteurs potentiels. Une des missions principales du CSE (comité social et économique) concerne notamment la défense des droits des salariés en matière de santé, sécurité et conditions de travail. Les membres ont des pouvoirs renforcés pour enclencher une procédure d'alerte en cas d’atteinte à la santé physique et mentale d’un ou plusieurs salariés.
→ Formez vos élus pour les faire monter en compétences sur le sujet de la santé mentale. J'anime une formation autour du thème de la “santé, sécurité et des conditions de travail” dédiée aux membres du CSE. Vous construisez un dialogue social plus riche avec des élus sensibilisés et formés.
Les acteurs externes
En plus de l'employeur, qui a une obligation concernant la santé des salariés, d'autres acteurs interviennent sur les questions de santé mentale au travail.
Les services de santé au travail (SST) assurent la médecine du travail. Ils sont chargés d’accompagner les employeurs, les travailleurs et leurs représentants en matière de prévention des risques professionnels. Le médecin du travail est un interlocuteur légitime pour évoquer les situations de mal-être au travail, avec une obligation de confidentialité.
Il existe également des numéros verts accessibles à tous. Ils garantissent une écoute, un soutien et, si besoin, une orientation vers des dispositifs spécialisés.
Il est aussi possible de demander aide et conseil à un assistant social ou à un psychologue du travail. Je vous encourage à visionner le live que j’ai réalisé avec Fanny Cottard, psychologue du travail, vendredi 5 décembre 2025.
Agir sur la santé mentale : comment et à quel niveau ?
L'article L4121-1 du Code du travail établit clairement que "l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs". Cette obligation fondamentale se traduit par trois niveaux de prévention :
- La mise en place d'actions de prévention des risques professionnels (primaire)
- L'organisation d'actions d'information et de formation (secondaire)
- La mise en œuvre d'une organisation et de moyens adaptés (tertiaire)
Voici quelques exemples de mesures possibles pour prévenir et agir en faveur de la santé mentale.
La mise en place d'actions de prévention des risques professionnels (primaire)
- Développer une culture managériale bienveillante et à l’écoute, afin que chaque salarié se sente reconnu et soutenu dans son environnement professionnel.
- Procéder à une évaluation régulière des RPS, grâce à des outils adaptés comme des questionnaires anonymes, des entretiens individuels ou encore des baromètres internes permettant de mesurer périodiquement le climat social.
L'organisation d'actions d'information et de formation (secondaire)
- Développer les actions de communication interne : avec une newsletter, des ressources documentaires, des journées d’information dédiées, des ateliers.
- Former des secouristes en santé mentale, pour apprendre les bons gestes et les bonnes paroles et avoir les bons réflexes face à une personne dépressive ou faisant une crise d'angoisse sur son lieu de travail.
- La formation des managers et des équipes est indispensable, pour leur apprendre à identifier les situations à risque et à les gérer efficacement, afin d’être capable d’intervenir rapidement en cas de difficultés.
→ Sensibilisez vos managers à la santé mentale. J’ai créé plusieurs formations à destination des dirigeants et des managers autour de la préservation de la santé mentale et de la prévention des RPS.
La mise en œuvre d'une organisation et de moyens adaptés (tertiaire)
- Mettre en place une ligne d'écoute psychologique. Certains organismes de prévoyance proposent ce type de dispositifs dans leurs services.
- Mettre à disposition des applications mobiles. Par exemple, Moka.care permet de réserver une séance avec un ou une thérapeute, ou propose des workshops à destination des managers et des équipes.
Pour conclure
Parler de santé mentale au travail, c’est anticiper les difficultés, prévenir les souffrances et promouvoir un environnement propice à l’engagement et à la réussite de tous.
Améliorer la santé mentale en entreprise n'est pas qu’une question d'éthique, c’est un levier stratégique. Investir dans des politiques de prévention, c’est s’offrir la possibilité de recruter et fidéliser des talents plus engagés et plus performants !
Rédaction : Corinne Lusetti-Roger - Partenaire RH - C’RRH